L’état de santé de nos érablières sucrières nous inquiète. Plusieurs causes sont généralement mentionnées et admises pour expliquer le déclin des grands érables. Parmi celles-ci figure la réduction de la biodiversité végétale par la suppression, soit des arbres compagnes de la strate arborée: bouleaux blancs, bouleaux jaunes, hêtres à grandes feuilles, soit l’éclaircissement abusif voire la suppression du sous-bois arbustif.
Nos érablières sont actuellement en profond déséquilibre. En misant uniquement sur l’individu en l’occurrence l’érable à sucre , nous avons oublié d’observer l’évolution de la santé globale de l’écosystème qui s’est dégradée au fil du temps.
Nous tendons à soumettre la nature à la satisfaction de nos uniques besoins, simplifiant le plus souvent la structure générale de la forêt, alors que la vie, elle, tend vers une complexité structurale allant la plupart du temps croissante: multipliant les niches écologiques, favorisant la cohabitation harmonieuse de la flore, de la macrofaune, de la microfaune, des bactéries, des champignons.
Jardiner une érablière sur les bases de la permaculture végétale
Les principes d’aménagement de nos érablières sont trop souvent basés sur le concept de compétition entre les individus. Or, les espèces végétales collaborent, s’entraident et travaillent aussi en fonction de la communauté végétale. Les relations qu’ils entretiennent entre eux sont importantes et vont bien au-delà de la compétition. Et c’est à ce niveau qu’il nous faut amorcer la réflexion menant à de nouveaux concepts d’aménagement.
Aménager une érablière dans cet esprit pourrait bouleverser complètement les pratiques forestières auxquelles nous sommes habituées. Il ne s’agirait plus ainsi de sélectionner certains arbres en tenant compte uniquement de leur potentiel économique mais de travailler au bien-être entier de l’écosystème en élaborant, grâce à un inventaire écosystémique complet, un système de croissance végétal optimal où seront pris en considération tous les éléments fonctionnels de l’écosystème: eau, vent, ensoleillement, pluie, topographie, vie du sol, faunes et j’en passe.
À ce stade, il est souhaitable de poursuivre les aménagements sur la voie bénéfique de la biodiversité en introduisant dans votre érablière des espèces compagnes, des comestibles gastronomiques (arbres, arbustes ou herbacées) ou des végétaux médicinaux, soit dans le sous-bois, soit dans des îlots forestiers; de multiplier les produits forestiers non ligneux déjà présents (et ils sont nombreux); de cultiver des champignons forestiers soit symbiotes, soit saprophytes (notamment sur des copeaux provenant des arbres ou des arbustes qui auront été prélevés lors des travaux d’implantation de ce qu’il sera convenu d’appeler un jardin forestier) et pourquoi pas, introduire en compagnonnage bénéfique des végétaux voués au recyclage des éléments minéraux du sol.
Choisir cette pratique écologique relève du gros bon sens. Une érablière jardinée en permaculture végétale favorise la santé générale de votre érablière en encourageant la multiplication des niches écologiques de votre écosystème, stimulant à terme les échanges énergétiques entre les différentes strates de la communauté végétale et animale…
Et par voie de conséquence non négligeable, vous retirerez suite à vos efforts des revenus d’origines diversifiées prolongeant la saison des récoltes jusqu’à l’automne, tout en conservant le merveilleux potentiel économique du savoureux PFNL qu’est le sirop d’érable.
Le Chêne aux pieds bleus croit qu’il est temps de réévaluer l’approche sylvicole traditionnelle de nos érablières à la lumière de la permaculture végétale et de l’agroforesterie naturelle.
Voir à ce propos:
Érablière: conception d’un jardin forestier et production de sirop d’érable.
Merci de votre précieuse attention.
Daniel Lachance, ingénieur forestier et fondateur du Chêne aux pieds bleus