Concevoir une forêt mycologique

Une forêt mycologique est un jardin forestier, aménagée dans un écosystème, le plus souvent constitué de conifères,  dans le but d’y maximiser la récolte de champignons gastronomiques savoureux. Une forêt mycologique bien aménagée voit aussi sa résilience augmentée par l’apport optimisé de biodiversité. Il est à noter qu’une forêt mycologique peut être entièrement conçue via le reboisement d’arbres, pensé au départ en fonction de ce double objectif.

Pour savoir si une forêt naturelle a le potentiel pour devenir une forêt mycologique, il nous faut analyser un certain nombre de critères dont le premier est sa composition de départ. À partir des arbres hôtes présents, de leur âge respectif, nous pouvons déduire la présence potentielle de cueillettes intéressantes de certains champignons gastronomiques.   Si celle-ci s’avère intéressante et qu’il est possible d’agir sur certains paramètres écosystémiques afin de bonifier les récoltes tout en maximisant sa résilience alors cette forêt pourrait faire l’objet d’interventions visant en la transformer en forêt mycologique.

Les paramètres écosystémiques qui déterminent à la fois le potentiel de récolte d’un écosystème forestier et ceux sur lesquels des actions sont souvent possibles sont (1) :

La présence d’essences-hôtes

Une essence-hôte est une espèce d’arbre dont le système racinaire entretient une relation mycorhizienne avec un ou des champignons forestiers. Un peuplement forestier constitué d’une seule essence-hôte peut être très productif en termes de récoltes de fructifications, mais présente des limites en termes de résilience de l’écosystème et du coup, de pérennité des récoltes des champignons qui lui sont associés. Plus le nombre d’essences-hôte pour un même champignon est élevé, plus la pérennité des récoltes de ce champignon est assurée. De façon générale, la présence d’espèces hôtes diversifiées apporte une plus grande variété d’espèces fongiques, ce qui augmente aussi la résilience des récoltes dans le temps.

L’âge des arbres qui compose l’écosystème

Les espèces de champignons comestibles se développent et fructifient bien quand il y a présence d’arbres jeunes dans le peuplement forestier. D’une manière générale, un peuplement plus âgé, mais en forte croissance et avec de jeunes sujets sera intéressant pour la cueillette de champignons.

Le degré d’ouverture de l’écosystème forestier

De très nombreux essais empiriques et/ou scientifiques démontrent que l’ouverture d’un peuplement, par l’éclaircie, favorise les fructifications des champignons. Une éclaircie régulière est souhaitable certes, mais l’idéal est une alternance de trouées irrégulières dans la canopée, avec présence d’un sous-étage qui protège le sol d’un dessèchement trop important.

La structure verticale du peuplement forestier

Une structure à plusieurs étages repose sur un mélange d’arbres âgés et plus jeunes et sur la présence d’une strate arbustive, d’une strate herbacée et d’une strate muscinale bien développées. Ces conditions sont essentielles pour permettre la pénétration des pluies à travers un étage dominant ouvert et pour limiter la chaleur atteignant le sol qui bloquerait la fructification, en particulier des espèces qui fructifient pendant l’été.

La présence de plantes herbacées et de mousses à la surface du sol

La strate herbacée protège le sol contre un réchauffement trop important du sol alors que la strate muscinale constitue une réserve d’eau importante pour les fructifications des champignons forestiers. L’une et l’autre constituent un milieu protecteur pour ces derniers.

La quantité de matière organique à la surface du sol

Une forêt qui comporte du bois mort à sa surface offre des conditions bénéfiques pour la production de champignons. Le bois mort partiellement décomposé permet de stocker et de retenir des quantités d’eau importante à l’intérieur de l’écosystème ce qui est favorable à la production de fructifications. L’installation de billots morts sur le sol, en pente ou non, fait partie des stratégies d’aménagement d’une forêt mycologique.

(1) Ces critères ont été prélevés et adaptés à partir du livre de Jean Rondet et Fernando Martinez-Pena, Territoires mycologiques. Les champignons au service des forêts et des hommes, publié en 2016 au éditions  Educagri.