C’est dans les moments où le mental atteint son point culminant de relâchement
qu’adviennent les interactions les plus fécondes…
J’ai fait de nombreux inventaires forestiers conventionnels avant de commencer à travailler à mon compte. À l’époque, je sortais de la forêt, après plusieurs heures sans avoir l’impression de m’être connecté avec le vivant, les arbres, les arbustes, les herbacées ou la faune que j’avais croisés. Tout allait trop vite. Je sentais que j’étais prisonnier d’un mental qui cherchait à valider des données préinscrites dans ma mémoire par un savoir forestier reconnu par l’industrie du bois et qui allait inexorablement m’amener à une prescription sylvicole le plus souvent prévisible.
Les inventaires que je développe accordent une part importante à la sensibilité et à la créativité. La prise de données scientifiques et les analyses subséquentes qui en résultent sont toujours présentes, mais elles ne sont pas l’unique référent de mes designs et surtout, ceux-ci ne présuppose aucune conclusion vers laquelle ils devraient tendre. J’entre en forêt sans savoir…
Les deux façons d’entrer en relation avec un écosystème
La première est la voie du mesurable, de la déduction, celle de l’intellect, de l’inventaire scientifique traditionnel… La seconde, beaucoup moins connue, nous est donnée par la voie méditative, s’agissant de se mettre en résonance avec l’énergie du phénomène que l’on veut comprendre.
Ces deux méthodes ne sont pas contradictoires, elles seraient plutôt complémentaires… Et je les utilise toutes les deux dans la conception de mes designs.
La mesure de l’invisible
J’entre d’abord en relation avec l’écosystème. Être en relation avec un écosystème présuppose d’être relié avec l’ensemble des énergies qui circulent autour de Soi. Cela présuppose que le corps devient récepteur, il accueille au lieu de saisir. Être relié, c’est vivre libre de toutes idées préconçues ou projections pour entrer en contact direct avec l’environnement…
Par une méditation profonde, j’ouvre tout grand les volets de mes capacités sensorielles. Je dissous lentement mes frontières pour devenir pur ressenti. La méditation est ma façon d’accueillir les forces agissantes de l’écosystème qui s’offre ainsi à moi…
Je parcours ensuite le lieu de manière déambulatoire, sans but précis, me laissant glisser d’un point à un autre, m’arrêtant ici, puis continuant… essayant de détecter par mon corps des points spécifiques de l’environnement qui hausse le niveau d’énergie vital du vivant.
J’observe, je prends quelques notes, je photographie les lieux. Aucune pensée extérieure ne trouble mon parcours, laissant ma créativité se déployer dans l’espace à parcourir…
Je veille dans cette partie de mon inventaire à ne pas entrer dans un dialogue intérieur qui m’éloignerait du ressenti énergétique du corps et j’évite aussi d’anticiper sur toutes formes de conclusion qui pourraient advenir avant terme. C’est beaucoup plus loin dans le processus de création du design que convergeront les données combinées de l’invisible et du visible…
Dormir dans le lieu écosystémique
Je crois par expérience que la nuit est particulièrement féconde dans le processus en cours. C’est pourquoi, je dors dans ma tente directement sur les lieux de l’inventaire. Pourquoi la nuit participerait-elle au design? Le sommeil est constitué de trois phases distinctes : le rêve, le sommeil profond et l’éveil au petit matin… Je crois que c’est dans le sommeil profond que s’inscrivent les relations les plus profitables avec le lieu où naîtra le design.
Au petit matin… Au lever du soleil éblouissant dans la plénitude des chants d’oiseaux… Je suis prêt à recueillir des données à nouveau…
Merci de votre précieuse attention…
Daniel Lachance, fondateur du Chêne aux pieds bleus