En Espagne, dans la province de Castille-y-Leon, l’écotourisme de champignon gastronomique ou mycotourisme génère à chaque année des revenus de 25 millions d’euros (37 millions de dollars canadiens) sur un territoire forestier 50 fois plus petit que celui du Québec. Il serait temps de se pencher sur cette question.
L’écotourisme de champignon gastronomique, aussi appelé mycotourisme, est une activité qui monte en flèche sur l’ensemble du territoire québécois, comme en témoigne le nombre croissant de participants aux activités d’identification des différents cercles des mycologues du Québec ou encore les différents efforts de concertation régionale autour de la ressource champignon, de la filière mycologique de la Mauricie ou de mycotourisme Kamouraska. Nous nous préparons à la naissance d’une gastronomie typiquement nordique, et en particulier nous découvrons la succulence et la variété des différents champignons qui fructifient dans nos forêts.
La cueillette de champignons sauvages est appelée à devenir une activité récréotouristique de première importance, comme c’est le cas dans certaines régions du monde où la mycologie et le mycotourisme combinés génèrent des revenus très impressionnants. Mais comment amener les touristes à vivre une expérience gastronomique dont ils se souviendront et ce, en toute sécurité?
Je vous propose un canevas de projet en 9 étapes que vous pourrez adapter selon vos besoins spécifiques. Voici donc, pour vous propriétaire d’hébergement d’expériences en forêt, ces 9 étapes.
Étape 1. Caractériser le territoire
Certains écosystèmes sont plus propices que d’autres à l’émergence naturelle de champignons gastronomiques . Le premier travail consistera à localiser sur une carte écoforestière les secteurs où sont concentrés les habitats naturels des champignons symbiotes et saprophytes. Les écosystèmes retenus devront posséder au départ un fort potentiel de présence reconnu (appelé occurrence) en champignons gastronomiques.
Étape 2. Le choix des champignons
Il est important d’assurer la sécurité du visiteur. Il faut éviter à tout prix des cas d’empoisonnement ou de malaise associés à la consommation de champignons cueillis chez vous.
Nous suggérons généralement de limiter le nombre d’espèces de champignons à cueillir à plus ou moins 10, en considérant les 3 facteurs suivants :
- le niveau de facilité d’identification des champignons;
- la très faible possibilité de confusion avec d’autres espèces de champignons toxiques;
- leur abondante fructification.
Étape 3. L’inventaire terrain de validation
Dans l’inventaire terrain de validation, nous visitons chacun des écosystèmes retenus à l’étape 1 en vue de valider visuellement son potentiel de cueillettes en tenant compte des arbres hôtes présents. L’ objectif de cette opération est de classifier, parmi les écosystèmes sélectionnés ceux dont le potentiel de cueillettes est le plus grand et d’éliminer les écosystèmes dont le potentiel est le plus faible. À cette étape aucun champignon n’a encore été prélevé, il s’agit d’un inventaire visuel qui repose sur les relations symbiotiques et saprophytes qu’entretiennent les champignons avec des essences d’arbre spécifiques.
Étape 4. L’inventaire mycologique
L’inventaire mycologique vise à définir avec certitude les espèces de champignons réellement présentes dans les écosystèmes retenus suite à l’étape 3. Cet inventaire est réalisé en continu pendant une saison complète et nécessite des prélèvements périodiques.
L’inventaire mycologique permet de délimiter avec précision les futures aires de cueillettes récréatives. C’est aussi à cette étape qu’il est possible de quantifier la ressource par l’établissement de placettes-échantillons.
Étape 5. L’aménagement des aires de cueillettes récréatives
Les aires de cueillettes récréatives peuvent prendre différentes formes. Elles devraient être concentrées dans un même secteur et reliées entre elles par des sentiers d’accès. Quelque soit la forme retenue, ces dernières devront être bien délimitées sur le terrain et numérotées afin d’en faciliter le repérage.
Des panneaux indicateurs seront disposés à l’entrée des sentiers d’accès décrivant la localisation cartographique des aires de cueillettes, les espèces qu’il est permis de cueillir, les fiches descriptives des champignons à récolter et un calendrier de cueillettes précisant les périodes de fructification.
Étape 6. Créer un jardin forestier de champignons sauvages
Il est possible de maximiser le potentiel de récoltes d’une aire de cueillettes donnée en structurant l’habitat hôte de manière à stimuler l’émergence naturelle des fructifications.
Il est aussi possible d’introduire dans le même habitat d’autres champignons, symbiotes ou saprophytes, par le biais d’implantations et convertir progressivement l’habitat hôte en jardin forestier de champignons gastronomiques.
Étape 7. La formation du public
La formation des visiteurs représente l’élément clé qui assurera le succès de votre projet écotouristique. Nous recommandons généralement, si la demande le justifie, l’embauche d’un guide spécialisé en cueillette de PFNL qui pourra accompagner les visiteurs en forêt tout en y allant de commentaires pertinents. Des ateliers et des formations peuvent aussi être envisagés sur des sujets comme l’identification, l’écologie, la culture ou la cuisine des champignons gastronomiques. Des partenariats sont possibles avec le Cercle des mycologues de votre région ou avec des cueilleurs certifiés pour des ateliers d’identification.
Étape 8. Le contrôle sur la ressource
Elle s’exerce généralement au kiosque d’accueil où le visiteur rapporte ses récoltes. Le contrôle vise à s’assurer de la qualité des identifications des champignons cueillis et de la quantité prélevée. C’est aussi le moment de donner aux visiteurs des conseils sur la conservation et la cuisine des champignons rapportés.
Étape 9. L’expérience gastronomique
Une expérience est incomplète si elle n’est pas conclue par le rassemblement des visiteurs autour d’une table champêtre où les cueillettes du jour sont cuisinées par un chef qui s’y connaît et dégustées le soir même entre amis. Si vous ne possédez pas de telle infrastructure, nous vous suggérons d’en parler à un propriétaire d’une auberge ou d’un restaurant de votre région.
Conclusion
Nous vous avons présenté dans cet article un canevas complet concernant l’élaboration d’un projet mycotouristique type, basé sur la présence d’une structure d’accueil et appliqué sur un territoire assez vaste. Nous sommes conscients que plusieurs d’entre vous ne pourrez appliquer que certaines étapes du processus d’application de ce projet.
Si vous avez des questions sur l’une ou l’autre des 9 étapes décrites ci-haut ou sur l’application de ces étapes en fonction de votre structure d’accueil, n’hésitez pas à me téléphoner, je me ferai un plaisir de vous répondre et au besoin, de vous rencontrer pour mettre en place une stratégie sur mesure répondant spécifiquement à la réalité de votre territoire.
Merci de votre attention.
Daniel Lachance, fondateur du Chêne aux pieds bleus.