Quand j’ai fondé le Chêne aux pieds bleus, il y a 12 ans maintenant, j’entrevoyais alors, mais de façon très imprécise, les bases d’une foresterie alternative où les objectifs de celle-ci seraient revus au profit, non pas de l’industrie forestière, mais de l’homme et de la femme comme habitant de leur forêt. Une forêt par ailleurs respectée comme il est d’usage de prendre soin du lieu qu’on habite.
Une nouvelle approche pour un nouveau paradigme de la forêt privée québécoise
Comparons deux visions du monde : la forêt industrielle et la forêt vue comme espace de vie.
La forêt industrielle vise à produire de la matière première destinée à être usinée et transformée sous différentes formes dérivées du bois. Dans cet esprit, la sylviculture vise à faire pousser les arbres le plus rapidement possible afin d’atteindre cet objectif marchand et la forêt est perçue comme un réservoir de matière ligneuse.
La forêt vue comme espace de vie vise prioritairement à créer des lieux vivants. Le bien-être et la santé humaine, la production de nourritures sont mis de l’avant par différentes approches respectueuses de l’ensemble des constituantes de l’écosystème forestier et des limites permises par l’écologie du lieu. Aller se promener en forêt devient ici l’unique impératif auquel il est très facile de se soumettre puisque toutes nos stratégies pointent vers cet objectif.
Je vous propose dans ce texte, d’examiner trois types d’aménagements qui respectent cette vision d’une foresterie qui à mon avis, devrait prédominer en forêt privée.
La forêt mycologique : un jardin forestier aménagé pour maximiser la récolte de champignons sauvages
La forêt mycologique représente une nouvelle approche en aménagement forestier, où l’objectif principal est d’optimiser la récolte de champignons sauvages tout en augmentant la résilience de l’écosystème forestier par l’apport de biodiversité. Ce « jardin forestier » est soigneusement aménagé pour favoriser la croissance de diverses espèces de champignons, en particulier celles qui ont une forte valeur gastronomique.
Contrairement aux forêts traditionnelles, où la récolte de champignons se fait de manière plus ou moins aléatoire, la forêt mycologique est conçue pour maximiser les récoltes. L’élément clé de ce jardin forestier est la mycorhization — un processus par lequel certains champignons forment une symbiose avec les racines des arbres, favorisant l’échange de nutriments. En restructurant le paysage forestier pour favoriser cette symbiose, la forêt mycologique devient non seulement un lieu de récolte, mais aussi un espace où la biodiversité est préservée et même enrichie.
La forêt de bien-être et de santé naturelle : un jardin forestier pour se retrouver avec soi-même, connecter avec le vivant et se soigner par les substances volatiles de l’air ambiant
En pénétrant dans une forêt, l’individu retrouve une connexion profonde avec la terre, un espace de calme où les bruits du monde se dissipent dans le murmure des feuilles et des branches. La forêt invite à la pleine conscience, à un retour à soi. Le simple fait de marcher entre les arbres, d’observer le monde végétal et fongique dans sa diversité stimule un bien-être intérieur, apaisant les tensions et régénérant l’esprit.
Cette vocation repose sur le concept que la forêt est une source de bien-être, qu’elle diminue l’anxiété et participe à l’équilibre essentiel de tous les humains qui prennent le temps d’entrer en communion avec ses différentes constituantes : chants des oiseaux, cours d’eau et vent sonores, affleurements rocheux, falaise, arbres aux formes variées, tous participent à une symphonie de l’impalpable. Certains lieux sont plus chargés énergiquement que d’autres ou sont habités par certains arbres qui dégagent dans l’atmosphère des terpènes qui agissent sur notre système immunitaire, le rendant plus résistant aux maladies qui nous menacent.
Dans cet esprit la forêt devient un sanctuaire pour l’équilibre entre l’homme et la nature, un espace où la santé mentale et physique se trouve nourrie par la symbiose entre l’humain et son environnement.
La cueillette de produits forestiers non ligneux
La nature est généreuse, elle nous offre de la nourriture de qualité nutritionnelle supérieure aux saveurs inégalables, des végétaux qui nous guérissent ou qui préviennent les maladies, des plantes qui fertilisent ou qui protègent nos cultures.
Les sites de cueillettes sont des endroits sur votre terre où nous retrouvons ces végétaux aux vertus surprenantes, parfois en quantité importante. La mise en place de sites de cueillettes et de sentiers qui les relient entre eux, procure aux cueilleurs/propriétaires/familles des raisons plus que suffisantes de se retrouver en forêt. En cueillant, nous renouons avec les traditions ancestrales tout en préservant et en valorisant notre écosystème.
Chaque pas dans la forêt devient une invitation à découvrir des trésors cachés, à apprendre de la terre et à en prendre soin, dans un respect mutuel. Les cueillettes, bien plus qu’une simple récolte, deviennent ainsi un acte de partage, de soin et de respect envers cette nature qui nous nourrit et nous protège.
En Conclusion
Dans un monde en perpétuelle évolution, où les enjeux environnementaux et humains se croisent, il devient essentiel de repenser la gestion de nos forêts privées. La forêt industrielle, qui privilégie la production de matière ligneuse à des fins commerciales, ne répond plus aux besoins contemporains de durabilité et de résilience écologique. En revanche, la forêt vue comme un espace de vie offre une vision plus holistique et respectueuse de notre environnement, en valorisant non seulement les ressources matérielles, mais aussi le bien-être humain et écologique.
À travers des pratiques comme la cueillette de produits forestiers non ligneux, la mise en place de forêts mycologiques et la création d’espaces de bien-être naturel, nous pouvons concevoir des forêts privées comme des jardins vivants et équilibrés. Ces approches permettent de préserver et même d’enrichir la biodiversité tout en favorisant des récoltes responsables, bénéfiques pour l’humain et la nature. La forêt devient alors un lieu de vie, de partage et de guérison, un véritable patrimoine vivant à transmettre aux générations futures.
Merci de votre précieuse attention.
Daniel Lachance, ingénieur forestier et fondateur du Chêne aux pieds bleus.
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Le Chêne aux pieds bleus croit qu’il est temps de réévaluer l’approche sylvicole traditionnelle de nos forêts à la lumière de l’Écoforesterie, de la Permaculture végétale et de l’Agroforesterie naturelle.